Le Registre foncier du Québec : son histoire et son évolution
Dès 1830, l'État a mis en place le système de la publicité foncière afin d'assurer aux citoyens du Québec la protection de leurs droits de propriété. Avant cette date, aucune forme bien organisée de publicité des droits fonciers ou immobiliers n'existait au Québec. Les transactions immobilières n'étant pas publiques, cela pouvait donner lieu à de la fraude. L'État a donc créé le système de la publicité foncière pour y mettre fin et favoriser le crédit.
Avant 1841, les contrats concernant les propriétés étaient principalement conservés dans les bureaux des notaires et les livres terriers des seigneurs. Ce n'est que lors de la proclamation de l'Ordonnance de 1841 qu’un système de publicité des droits a été établi pour tout le territoire du Bas-Canada. Le texte de cette ordonnance fait alors état « (…) des pertes et maux considérables des transports secrets et frauduleux des propriétés foncières, et des hypothèques sur icelles, et de l’incertitude et manque de sûreté des titres aux terres dans cette Province, (…) ». Pour remédier à cette situation, la loi prévoit ainsi que seul le propriétaire qui détient un titre de propriété enregistré dans le registre voit son droit protégé et opposable aux tiers.
Durant les premières années d’existence, les nominations des régistrateurs sont fréquemment « politiques » ou « familiales », les pères nommant leurs fils pour leur succéder. Car, à cette époque, la nomination d’un régistrateur est « un droit politique que les femmes, dans notre province, n’ont pas la capacité d’exercer[i]. » Certains notaires occupent également le poste de régistrateur durant leur pratique. Afin qu'un bureau d'enregistrement puisse être dans la maison du régistrateur, celle-ci doit disposer d'une voûte à l'épreuve du feu.
Avant 1860, la publicité se fait en fonction des noms des parties au contrat. Les transactions sont inscrites en ordre chronologique dans un registre appelé « index des noms ». Avec le temps, ce système montre des lacunes importantes : la recherche est difficile lorsque des personnes portent le même nom, et le registre ne fournit aucune identification précise de la propriété.
La création du cadastre en 1860 entraîne celle d'un nouveau registre dans les bureaux d’enregistrement de l'époque : l'index des immeubles. Dorénavant, chaque immeuble a un numéro de lot identifié sur un plan et a sa propre page réservée dans le registre. Cela facilite alors énormément la recherche d'informations à l'égard d'un lot, favorisant ainsi le travail des professionnels du droit. Encore aujourd'hui, le principal registre tenu et consulté demeure l'index des immeubles.
De 1841 à 1947, les contrats présentés sont retranscrits par le régistrateur du bureau d’enregistrement, puis remis au requérant. Mais le 1er septembre 1947, la loi instaurant l'enregistrement des actes par dépôt entre en vigueur. Cette loi exige la présentation d'une copie supplémentaire du document présenté aux fins d’enregistrement afin d’être conservée dans les archives du bureau. La retranscription a été abandonnée en 1948.
Un tournant majeur a eu lieu à l’aube du présent millénaire, soit l’informatisation du registre foncier. Un vaste programme de modernisation du système du registre foncier a donc été entrepris.
Cette réforme était nécessaire en raison de plusieurs facteurs :
- Le système reposait sur des documents sur support papier, dont plusieurs dataient du milieu du XIXe siècle;
- L’accumulation des documents entraînait une augmentation des coûts d’archivage et de conservation;
- La dégradation de certains registres et d’anciens volumes était très avancée et elle s’accélérait;
- Le support utilisé (format papier) faisait obstacle à toute amélioration du service, y compris l’accès à distance et les liens entre différents types d’information.
Cet important projet a occasionné le transport des documents et registres sur support papier vers la ville de Québec afin de les convertir en version électronique. Des millions de pages ont ainsi été numérisées, puis conservées dans les archives. La mise en place d’un système informatique inédit a été nécessaire afin d’être en mesure d’effectuer la consultation, l’inscription et la conservation des documents en mode électronique. Il faut noter que, durant toute la période de ce vaste chantier, il n’y a eu aucune interruption de service!
Toujours dans le souci de mieux servir la population, l’implantation du Service en ligne de réquisition d’inscription (SLRI) en 2012 a permis de faciliter le contrôle et l’inscription des documents. En utilisant ce service, les professionnels du droit bénéficient de plusieurs validations en ligne, leur permettant ainsi de prévenir certains refus.
L’informatisation du registre foncier a franchi une étape déterminante le 8 novembre 2021, par l’entrée en vigueur de certaines dispositions contenues dans la Loi visant à moderniser certaines règles relatives à la publicité foncière et à favoriser la diffusion de l’information géospatiale. Depuis cette date, la transmission électronique est la seule façon de transmettre un document pour publication au registre foncier.
Après toutes ces années, le registre foncier contribue toujours au développement économique du Québec en protégeant les droits immobiliers des citoyens, notamment grâce aux notaires qui participent à l’enrichissement de son patrimoine documentaire. L’intégrité, la fiabilité et la crédibilité des renseignements contenus dans le registre foncier, qui reposent en grande partie sur la qualité des actes publiés, constituent ses principaux atouts. Il s’agit d’un outil précieux d’information immobilière. C’est pourquoi le registre foncier continue sans cesse d’évoluer pour s’adapter aux réalités actuelles afin de bien répondre aux besoins de la clientèle de plus en plus diversifiée.
[i] Extrait d’une lettre datée du 19 décembre 1921, signée par l’Assistant-Procureur général, et dans laquelle il considère que la nomination d’une femme est absolument illégale.
Un système en constante transformation
En constante évolution, le système a continué à se transformer au cours des années, et ce, jusqu’à aujourd’hui...
1830 | Mise en place du système de la publicité foncière, ouverture du premier bureau d’enregistrement; |
1841 | Proclamation de l’Ordonnance par laquelle seul le propriétaire qui détient un titre de propriété enregistré ou inscrit dans ce registre voit son droit protégé et opposable aux tiers; |
1860 | Création du cadastre. Le cadastre représente l’immeuble sur un plan et l'identifie par un numéro de lot. Donc, les transactions immobilières sont publiées sur un lot, et non plus dans un registre de noms; |
1866 | Adoption du Code civil du Bas-Canada, principal texte législatif régissant le droit civil, notamment les règles de la publicité foncière; |
1994 | Le Code civil du Québec entre en vigueur et remplace le Code civil du Bas-Canada. La publicité foncière ne peut être réalisée que conformément au cadre juridique de la publicité foncière composé du Livre 9e du Code civil du Québec et de plus d'une centaine de lois particulières ainsi que de plusieurs règlements; |
2001-2003 | Numérisation et mise en ligne graduelle des millions de pages des documents conservés dans les bureaux de la publicité foncière. Possibilité pour les notaires d’inscrire des documents par voie électronique; |
2011 | Presque tout le patrimoine documentaire du registre foncier est désormais accessible en ligne; |
2012 | Le registre foncier bonifie sa prestation électronique de service en instaurant le Service en ligne de réquisition d'inscription. Ce service permet à la fois de faciliter la transmission des réquisitions d'inscription (ventes, hypothèques, etc.), de maintenir les délais d'inscription pour la grande majorité des documents et de diminuer davantage les déplacements dans les bureaux de la publicité des droits; |
2014 | Depuis le 18 septembre 2014, toute réquisition d’inscription au registre foncier (droits, radiations, avis d’adresse) doit être accompagnée d’une demande d’inscription. Depuis le 16 octobre 2014, possibilité pour les notaires et les avocats de présenter certains documents numérisés pour inscription au registre foncier; |
2015 | Dans le but de poursuivre l’informatisation du registre foncier, la Direction générale du Registre foncier retire les index des noms des bureaux de la publicité des droits (BPD) et les numérise afin de les rendre disponibles sur le site du Registre foncier du Québec en ligne. |
2021 | Depuis le 1er février 2021, il est possible de transmettre toute réquisition d’inscription au registre foncier de façon électronique.
De plus, la présence de certains renseignements personnels est désormais prohibée dans les réquisitions présentées et les documents qui les accompagnent. Depuis le 8 novembre 2021, la transmission électronique est le seul mode de transmission permis pour la présentation d’une réquisition d’inscription au registre foncier. Cette date marque la fin de l’informatisation du Registre foncier et la fermeture des 73 bureaux de la publicité des droits. Le Registre foncier du Québec devient l’un des premiers registres au monde à effectuer un virage 100 % électronique. |
2023 |
Depuis le 1er avril 2023, la présentation d'une réquisition d'inscription d'une adresse au Registre foncier doit l’être au moyen du formulaire rendu disponible par l'Officier de la publicité foncière. Ce formulaire, prévu en vertu des dispositions du Règlement sur la publicité foncière, est intégré dans le parcours interactif utilisé pour la présentation des réquisitions. Il est accessible soit par le service en ligne de réquisition d'inscription (SLRI), soit par l'outil d'inscription spécialisé offert par l'un des fournisseurs. |
2024 |
Depuis le 5 octobre 2024, le Registre foncier rend disponible sur son site Web l’accès à une carte interactive. Cet outil permet de trouver, à l’aide d’une adresse municipale ou en naviguant sur la carte, le numéro de lot de la propriété pour laquelle on souhaite effectuer une recherche dans le registre. Cette fonctionnalité peut être utilisée uniquement pour les lots ayant fait l’objet d’une rénovation cadastrale (cadastre du Québec). |
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